Au Sud de l’Alsace, Euro3lys, tête de pont de l’ambition économique de Saint-Louis entre France, Allemagne et Suisse
Par la rédaction, le
Cinq parcs d’activités sur une superficie de 100 hectares, à la lisière de trois frontières, la France, la Suisse et l’Allemagne.Autour de l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse, l’ambition de Saint-Louis Agglomération et des collectivités locales partenaires est forte mais réaliste à terme sur un territoire où près d’un actif sur deux travaille en Suisse. Les premiers aménagements démarrent l’an prochain.
Le dynamisme économique de l’Alsace ne se résume pas à Strasbourg. A l’extrémité sud de la région, dans le territoire « des Trois Frontières » à la croisée de la France, de l’Allemagne et de la Suisse, l’agglomération de Saint-Louis (Haut-Rhin, 78.000 habitants) affiche des performances enviables : taux de chômage de 7 %, croissance de 5 % de l’emploi et de 6 % de la population sur cinq ans. Plus parlant encore, les projets « endogènes » d’extension d’entreprises représentent un cumul de 100 .00 m2.
Longtemps, ce potentiel a eu du mal à se concrétiser. Il lui manquait un pilote. Depuis début 2017, c’est chose faite avec la création de la communauté d’agglomération qui agrège plusieurs intercommunalités. Dotée de la compétence développement économique, Saint-Louis Agglomération (SLA) a bâti une stratégie conjointe à ses 40 communes.
Votée fin 2017, ses effets tangibles commencent à sortir de terre. Cinq parcs d’activités – le Technoport, le Quartier du Lys, l’EuroEastPark, le Technoparc et le Parc du château d’eau – ont été lancés ou s’apprêtent à l’être, non comme la juxtaposition d’intérêts locaux, mais comme les étages d’une même pyramide voulue solide sur ses bases.
Celles-ci résultent d’un diagnostic approfondi des forces et faiblesses. Que dit-il ? « Notre base industrielle est très ample, elle représente près de la moitié de l’emploi et repose sur une diversité de secteurs porteurs : on pense à la pharmacie et aux sciences de la vie dans le sillage de Bâle notre voisine, mais il faut y ajouter la plasturgie, la métrologie (Diehl Metering, Endress + Hauser…), la mécanique (Cryostar), l’électronique et l’aéronautique grâce à la maintenance et l’aménagement d’avions sur le site de l’EuroAirport Bâle-Mulhouse qui transporte 8 millions de passagers par an », expose Catherine Gouttefarde, responsable du service développement économique de SLA.
Le diagnostic va à rebours de l’idée préconçue d’un territoire qui ne vivrait qu’au crochet de Bâle, quand bien même près d’un actif sur deux travaille en Suisse.
Sans ébranler ces fondamentaux, la montée de l’emploi tertiaire s’observe, et dans sa version « supérieure » autour de la R&D ou de la finance – là encore la proximité de Bâle n’y est pas étrangère. Il en résulte un potentiel, sous-exploité, de tourisme d’affaires dans ce territoire cosmopolite où 140 nationalités sont représentées, et relativement aisé avec un revenu médian supérieur de 50 % au niveau français.
Mais les points faibles existent. Ils concernent principalement l’évasion commerciale chiffrée à 330 millions d’€ annuels au bénéfice surtout de l’Allemagne, et l’offre d’immobilier d’entreprise. « Les 16 zones d’activités existantes d’un total de 307 ha présentent une qualité hétérogène et la maîtrise foncière publique se limite à 5 hectares à peine », rappelle Etienne Heinrich, directeur général adjoint de SLA.
Retrouver de la disponibilité de terrains et la rendre complémentaire ont constitué les points de repère de la stratégie de Saint-Louis Agglomération, débouchant sur les nouveaux sites.
Euro3lys, appelé à devenir la porte d’entrée française
Le Quartier du Lys se veut constituer le « pôle tertiaire innovant ». Sur 25 hectares qui seront aménagés à partir de l’an prochain, ils prévoient 200 000 m2, dont un petit tiers d’habitat mais surtout 70 % d’immobilier d’entreprise : bureaux, lieux de formation, campus de start’up et de recherche…
Le Technoport de 80 hectares est conçu, d’une part comme le « pôle affaires » de référence dans sa partie nord où sont prévus bureaux et résidences hôtelières pour un total d’environ 150 000 m2, et au sud comme le pôle commerce et loisirs du territoire, dont se charge le groupe Unibail-Rodamco (voir encadré).
Ces deux sites voisins sont réunis désormais sous la même bannière d’Euro3lys, nom du projet « métropolitain » appelé à devenir la « porte d’entrée française » de l’agglomération trinationale de Bâle de 900 000 habitants, au pied de l’aéroport. L’ambition est forte, mais réaliste, dès lors que la coordination entre les maîtrises d’ouvrage sera réussie (Saint-Louis Agglomération, Unibail-Rodamco, le Syndicat mixte du Technoport entre l’agglo et le département du Haut-Rhin) et que les indispensables chantiers de décongestion routière et d’extension du tramway venu de Bâle seront menés à temps pour accompagner une première grande vague de livraisons d’ici à 2022/2023.
Parallèlement, l’EuroEastPark remplit une vocation plus classique d’accueil d’entreprises industrielles. Le plasturgiste EMI en occupe déjà 6 hectares pour sa nouvelle usine 4.0 et ses développements suivants, de sorte qu’il reste 5 ha, mais trois sont déjà sous option… Le Technoparc de 16 ha remplit la même vocation et son premier occupant sera l’entreprise SES Sterling de Saint-Louis, l’an prochain.
Quant au Parc du château d’eau, il occupe une position plus proche du centre-ville de Saint-Louis, sur une friche ferroviaire Sernam. Il est développé par le promoteur privé Proudreed dans une vocation de bureaux de plus petites surfaces et de locaux d’activités. Il programme au final 11 000 m2, sa première tranche de 4 600 m2 a été inaugurée fin juin.
La communauté d’agglomération a encore quelques cartes dans sa main à plus long terme, comme la possibilité d’un parc d’activités à Hégenheim en face du pôle sciences de la vie suisse d’Allschwil d’ampleur mondiale. Il lui faudra aussi intégrer le volet économique de 3Land, vaste projet d’un nouveau morceau d’agglomération transfrontalière de 82 ha à cheval sur le Rhin, dont Huningue constitue la partie française.
La collectivité compte aussi mener un gros effort d’image, consciente que son territoire peine à attirer les cadres internationaux autrement que pour le compte de groupes pharma bâlois. « On est tellement peu connu que les candidats n’ont souvent même pas d’a priori, ni négatifs ni positifs ! », constate Saint-Louis Agglomération est décidée à ce que cela change… et dans le bon sens.
De la culture, du sport et de la gastronomieau centre commercialDans la région de Saint-Louis, 70% des résidents suisses font leurs courses en Allemagne et seulement 20% en France. Quant aux Allemands, ils accueillent davantage de Français (au Rhein-Center à Weil amRhein à 5 km de l’autre côté de la frontière) qu’ils ne leur rendent visite. Le gigantesque centre commercial (85.000 m2 de surfaces de vente) qu’Unibail-Rodamco-Westfield veut construire à proximité de l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse vise à « inverser la logique », selon les termes de Christophe Noël, directeur du développement des grands projets.
Pour gagner ce pari, le promoteur s’emploie à séduire des enseignes moyen de gamme absentes dans le secteur, notamment celles du groupe Inditex (Zara) avec laquelle il travaille depuis plusieurs années. Mais surtout il a l’ambition de bâtir un nouveau genre de centre commercial qui sera tout autant une destination de loisirs que de shopping, sur une zone de chalandise qui s’étendrait jusqu’à Colmar et même Montbéliard offrant un potentiel de 10 millions de visiteurs par an (en comparaison, la Toison d’Or à Dijon que gère Unibail-Rodamco en accueille 8 millions).
« Avec le boom du e-commerce, les espaces commerciaux doivent apporter autre chose au chaland, de la convivialité et des occasions de détente. » La gastronomie sera l’un des piliers de l’offre commerciale avec des tables traditionnelles que le promoteur souhaiterait voir tenues par des acteurs locaux.Elles se situeraient dans une aile ouverte sur l’extérieur sous une verrière rétractable « pour chasser l’impression d’enfermement d’un centre commercial. » Un partenariat avec l’Organisation Professionnelle de l’Agriculture Biologique en Alsace (Opaba) pourrait déboucher sur un magasin de produits de proximité. Sur le toit, l’entreprise suisse UrbanFarmers devrait dupliquer la ferme en aquaponie (culture des plantes associée à un élevage de poissons) qu’elle a déjà réalisé à Bâle.
L’aspect novateur réside aussi dans la forte proportion d’offre culturelle et sportive : des lieux pour les spectacles, une salle de fitness et autres sports indoor, une école de langues, des salles de différentes surface pour les associations et une boîte de nuit.
L’offre est pour l’instant exprimée au conditionnel car le promoteur ne peut avancer de date de réalisation, même s’il se fixe l’objectif de 2023. Le dépôt de permis de construire est conditionné à la réalisation des aménagements routiers sur la RD 105 jusqu’à l’échangeur de l’A35 que le conseil départemental du Haut-Rhin programme pour 2020-2022 et à l’extension de la ligne de tramway qui s’arrête aujourd’hui en gare de Saint-Louis. Les premières esquisses du centre commercial remontent déjà à 2007 mais après une suspension liée à des contestations juridiques, maintenant le consensus politique est bien réel, assure le promoteur. L’investissement annoncé est de 400 millions d’€ HT.
Source : tracesecritesnews.fr >> Eco)Bref >> 05/07/2018 >> par Mathieu Noyer
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